Trans-mutation 2023 – Sobriété et Innovation
Depuis des années, au sein de Trans-mutation, nous cherchons à comprendre les mutations de notre temps, avec le vœu de les explorer, d’aider à mieux s’y adapter, mieux les transcender… Comment repenser notre modèle de société au regard des signaux que les crises sociétales et environnementales nous envoient ? Comment innover ou transformer partout où cela s’avère nécessaire : dans nos modes de production et consommation, dans notre vivre ensemble (santé, éducation, culture…), dans nos modèles économiques et politiques ?
Quelques semaines après la 13e édition de notre université d’été, le Président Macron présentait aux Français un plan pour se mettre en situation de consommer moins. « On doit rentrer collectivement dans une logique de sobriété. Nous vivons la fin de l’abondance » a-t-il annoncé.[1]
Sobriété
Le mot est lâché. Pour certains, la sobriété est synonyme d’économies financières, mais peut-être aussi de déclin. Pour d’autres, il s’agit de freiner notre consommation effrénée de ressources naturelles non renouvelables, nos émissions de gaz à effet de serre et pollutions diverses. Pour certains, c’est un moyen de stopper la destruction de la biodiversité et des écosystèmes naturels…[2] Pour d’autres encore, la sobriété est un comportement moral mais pas un projet de société.[3] Pour Antoine Buéno, « La sobriété ne peut pas être confondue avec la décroissance. En effet, elle ne vise pas une réduction globale de la production et de la consommation, mais la réduction de son intensité matérielle et énergétique. »[4] Tous ou presque insistent aussi sur l’importance d’associer sobriété et justice sociale.
On a beaucoup parlé de sobriété énergétique depuis la crise ukrainienne.[5] Bien sûr, conjoncturellement, nous subissons les conséquences de la guerre. Mais, plus fondamentalement, avons-nous d’autres options que d’apporter au plus tôt, à titre individuel et collectif, nos meilleures solutions à des crises multidimensionnelles ? Au niveau de l’environnement, chaque jour qui passe accentue le retard que prennent nos sociétés par rapport aux échéances annoncées (2030, 2050) mais surtout par rapport à la situation de la planète. Il nous faut aller beaucoup plus vite et plus loin.
C’est l’invitation que nous font l’Agence européenne de l’environnement, dans sa note Growth without economic growth, ou Jean-Marc Jancovici dans Vive la croissance verte ![6] Dans leur dernier rapport, les scientifiques du GIEC sonnent l’alarme : la stratégie de la croissance verte ne suffira pas. Ils estiment que le PIB reste fermement corrélé à l’empreinte matière, la quantité de matériaux mobilisés pour produire toutes les choses que nous consommons. Cette consommation matérielle est déterminante car elle génère plus de 90 % des impacts environnementaux[7], d’où l’urgence de la réduire… Selon l’économiste Timothée Parrique, le constat semble sans appel : « réduire notre consommation de matériaux n’est pas possible dans une économie qui produit toujours plus. »[8]
Innovation
L’innovation technologique peut-elle régler le problème ?
Il importe bien sûr aussi de favoriser l’innovation technologique. Avec les énergies propres ou tout au moins renouvelables, pensées dans un plan intégrant nucléaire, hydrogène, carburant synthétique, etc. on pourrait progressivement se passer des énergies fossiles ; avec la fusion atomique, on pourrait accéder à une énergie quasi infinie. Avec la captation de CO2 et la géo-ingénierie du climat, on pourrait limiter la température terrestre et « calmer » les dérèglements climatiques. Avec les abeilles génétiquement modifiées, on pourrait repolliniser la nature ; avec l’intelligence artificielle, on pourrait apporter des solutions nouvelles ; avec les technologies inconnues que nous inventerons, on pourrait s’adapter aux températures extrêmes…
Bertrand Piccard invite à faire mieux avec beaucoup moins. « Les solutions technologiques existent mais si on veut favoriser l’innovation technologique pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut absolument créer un cadre légal, réglementaire et administratif qui évolue au même rythme que les innovations. ». [9]
Pour Geert Noels, Il faut garder la tête froide et continuer à penser en termes de solutions. « … nous devons plus que jamais exploiter notre ingéniosité humaine pour gagner cette bataille. »[10]
Éric Lambin ajoute « Le choc climatique est aussi source d’espoir car la plupart des solutions sont déjà connues et mises en œuvre quelque part dans le monde par des acteurs pionniers et elles sont efficaces ! De la même manière que la mise au point d’un vaccin ne garantit pas une vaccination de toute la population mondiale, le défi de la transition est d’implémenter les solutions qui fonctionnent à une échelle suffisante pour transformer le système dans son ensemble. Pour cela, il faut créer des incitants pour motiver tous les acteurs. Il s’agit du grand projet mobilisateur de notre siècle, qui fait appel aux idées et à l’engagement de chacun. »[11]
À quel point les innovations technologiques tiendront-elles les promesses que certains leur prêtent, et ce dans les délais imposés par la réalité des dégradations écologiques ? Et comment s’assurer qu’elles bénéficieront équitablement à tous, aujourd’hui mais aussi demain, après-demain ?
Les inconnues et les défis sont immenses, et d’autres formes d’innovation seront certainement indispensables à la solution : innovations monétaires, sociales, organisationnelles, politiques, citoyennes…
En novembre dernier, Johan Rockström et Thomas Homer-Dixon ont publié une tribune dans le New York Times dans laquelle ils rappellent à quel point les crises qui nous frappent sont interconnectées[12].
Et si, pour faire face à ces enjeux gigantesques, il fallait privilégier à la fois sobriété et innovation ? Si la meilleure approche consistait à associer toutes les forces vives au sein d’une intelligence collective en sagesse, expression de ce que les humains auraient de plus digne ?
Sobriété et innovation, voici le thème de notre prochaine université d’été. Nous sommes impatients de vous y retrouver.
[1] Discours du 12 octobre 2022
[2] Entre autres Fabrice Bonnifet : Université de la Terre – 8 mars 2022
[3] Laurent Hublet – L’Echo – 10 septembre 2022
[4] Antoine Buéno, l’Effondrement (du monde) n’aura (probablement) pas lieu – Flammarion 2022
[5] La Libre 14 septembre 2022
[6] Jean-Marc Jancovici - Vive la croissance verte !
[7] Zoran J. N. Steinmann - Resource Footprints are Good Proxies of Environmental Damage
[8] Timothée Parrique - NouvelObs 30 avril 2022
[9] La Libre 29 janvier 2022.
[10] Geert Noels & Kristof Eggermont, De Klimaatschok – Lannoo 2022
[11] Pas de vaccin pour le climat- UCLouvain
[12] Johan Rockström, écologue – Université de Postdam, et Thomas Homer-Dixon, politologue, Royal Roads University – Article republié dans Courrier International n° 1679 du 5 janvier 2023
Programme
Matin |
31 août 2023 |
Après-midi |
château-ferme de Profondval |
8:45 |
accueil |
14:15 |
Eva Sadoun présentée par Marie Flourié |
9:15 |
Fil rouge de la rencontre : Stanislas van Wassenhove |
15:00 |
Fabrice Bonnifet présenté par Bernard Coulie |
9:30 |
François Gemenne présenté par Jolan Vereecke |
15:45 |
Q&A |
10:15 |
Timothée Parrique présenté par Pierre Portevin |
16:15 |
Discussion par tables |
11:00 |
Discussion par tables |
17:00 |
Salomé Van Billoen présentée par Christèle Duvieusart |
11:45 |
Laurent Hublet présenté par Sébastien Deletaille |
17:30 |
Anne-Fleur Goll et Jules Colé présentés par Gaëtan Seny |
12:30 |
Q&A |
18:00 |
Q&A |
13:15 |
Lunch |
18:30 |
Conclusions : Bernard Coulie |
- |
- |
19:00 |
Cocktail suivi du dîner |